Dr Simon Benoliel

À propos de Dr Simon Benoliel

Chirurgien-dentiste, diplômé de la faculté de Médecine de Paris VII en 1987. Voilà plus de sept ans que je vis en Belgique, où je partage mon temps entre la surveillance d’étudiant(e)s en dentisterie lors de leurs stages cliniques au CHU Saint-Pierre à Bruxelles, la formation des personnels de santé en maisons de repos ou en foyers pour handicapés et la sensibilisation à la prévention bucco-dentaire des personnes fragiles auprès des autorités de santé, de médecins, de consoeurs et confrères.

Protocoles ou bonnes pratiques ? Quelle approche est la plus efficace pour la santé bucco-dentaire en EHPAD / MR-S ?

Par Dr Simon Benoliel DMD

Dans les établissements pour personnes âgées, la toilette bucco-dentaire est un geste quotidien dont la qualité influence directement la nutrition, le confort, et la prévention des infections respiratoires.
Les autorités sanitaires — comme l’ARS Île-de-France — promeuvent des protocoles standardisés, fondés sur des arbres décisionnels aboutissant à des fiches illustrées.
En parallèle, des programmes comme ceux de la FSBD (Formation Santé Bucco-Dentaire) privilégient une approche fondée sur les bonnes pratiques, l’observation clinique et la formation du personnel de soins.

Cet article compare, à la lumière des données scientifiques, ces deux approches : la standardisation par protocoles, versus l’apprentissage de bonnes pratiques adaptées à la personne âgée.

 

Les protocoles standardisés : un socle utile, mais limité

Les protocoles émis par certaines organisations de soins, reposent sur un algorithme de décision combinant : autonomie, risque de fausse route, présence de dents ou de prothèses, risque d’opposition, etc. Chaque combinaison (jusqu’à 48 profils possibles) génère une fiche illustrée décrivant pas à pas les étapes de la toilette buccale : préparation du matériel, mise en sécurité, brossage, vérification et traçabilité.

  • Les atouts sont une uniformisation des pratiques et traçabilité, un repère visuel simple pour les soignants débutants, une meilleure intégration dans les audits qualité.
  • Les limites : aucune évaluation de l’état réel de la bouche (douleur, lésions, sécheresse), pas de boucle de rétroaction : le protocole reste figé, un risque de “faire sans comprendre” et enfin de créer un détachement entre le soin exécuté et la situation clinique.

Les protocoles peuvent donc garantir une conformité minimale, mais ils n’induisent pas forcément une amélioration mesurable de la santé bucco-dentaire.

Les bonnes pratiques : la compétence plutôt que la procédure

L’approche promue par la FSBD repose sur deux piliers complémentaires : la formation continue du personnel soignant et l’adaptation du soin à chaque personne.
Elle consiste à observer systématiquement les gencives, les dents, les prothèses et les muqueuses afin d’évaluer et de documenter l’état bucco-dentaire à l’aide d’outils validés tels que l’OHAS ou l’OHS-interRAI. Ces outils garantissent un suivi objectif et régulier, planifié selon l’état buccal du résident (réévaluation à 3, 6 ou 12 mois).
Enfin, cette démarche favorise la communication avec le dentiste référent, notamment grâce à la télé-expertise rendue possible par l’Odontoscope®, permettant de confirmer une observation clinique ou d’ajuster le plan de suivi.

Résultats observés

Les études internationales montrent que la formation du personnel améliore la qualité du brossage, réduit la plaque et la gingivite, et favorise la détection précoce des anomalies buccales. Certaines recherches (Yoneyama et al., 2002 ; Liu et al., 2018) indiquent également une diminution de l’incidence des pneumonies lorsque l’hygiène orale est rigoureuse et supervisée.

Ce que recommande la science

Les revues Cochrane (2016) et les études récentes s’accordent :

  • Les protocoles seuls ne suffisent pas ;
  • Les formations structurées, répétées et accompagnées d’outils d’évaluation ont un impact mesurable ;
  • L’intégration dans un système global de soins (interdisciplinarité, dépistage, suivi) est essentielle.

Ces conclusions rejoignent les recommandations de la FDI Vision 2030 et du programme OMS – ICOPE, qui prônent des parcours individualisés plutôt que des routines uniformes.

Vers un modèle intégré : protocole + compétence + évaluation

La voie la plus efficace n’est pas d’opposer les deux approches, mais de les combiner intelligemment :

  1. Des protocoles simplifiés comme base de sécurité et de conformité ;
  2. Des formations régulières pour renforcer la compétence et la motivation ;
  3. Des outils d’évaluation validés (OHAS, OHS-interRAI) pour ajuster le suivi ;
  4. Une boucle de télé-expertise pour les cas complexes.

C’est exactement la logique de la FSBD, qui vise à transformer les soignants en acteurs compétents de la prévention bucco-dentaire plutôt qu’en simples exécutants.

Conclusion

Former plutôt que protocoliser, c’est passer d’une logique d’exécution à une logique de compréhension et de vigilance clinique. L’expérience montre que la véritable prévention bucco-dentaire en maison de repos repose sur des soignants formés, motivés et observateurs, soutenus par des outils structurés et une collaboration à distance avec les dentistes.

La standardisation assure la conformité.
La formation construit la compétence.
Ensemble, elles garantissent la santé orale durable des résidents.

Références bibliographiques principales

  • Albrecht M. et al. (Cochrane Review, 2016) : Oral health educational interventions for nursing home staff and residents.
  • Zhang J. et al. (2021) : Comprehensive caregiver training improves oral hygiene in nursing homes.
  • Yoneyama T. et al. (2002) : Oral care reduces pneumonia in nursing homes.
  • Liu C. et al. (2018) : Oral care measures for preventing nursing home-acquired pneumonia.
  • Chalmers J.M. et al. (2005) : OHAT – validity & reliability.
  • Schoebrechts E. et al. (2024) : OHS-interRAI detects more oral problems than previous interRAI sections.
  • FDI World Dental Federation (2021) : Vision 2030 – Delivering Optimal Oral Health for All.
  • OMS (2017-2024) : Integrated Care for Older People (ICOPE).
Par |2025-10-25T15:42:08+02:0025 octobre 2025|Catégories : Procédure|

Le principe du « juste soin » en odontologie gériatrique

Chez la personne âgée dépendante ou polypathologique, le raisonnement thérapeutique ne peut être calqué sur celui appliqué à un patient jeune ou autonome.
L’état général, les traitements en cours, les troubles cognitifs, les difficultés de déglutition, la fatigabilité ou encore le risque de refus imposent au praticien d’adopter une démarche fondée sur le juste soin.

Le juste soin, c’est celui qui trouve le point d’équilibre entre le bénéfice attendu, la tolérance du résident et sa qualité de vie.
Il s’agit moins de rechercher l’idéal technique que de déterminer ce qui est cliniquement pertinent, acceptable et proportionné pour la personne concernée.
C’est une approche de proportionnalité thérapeutique, inspirée des principes éthiques de la gériatrie : ne pas renoncer aux soins, mais ne pas imposer des actes disproportionnés au regard de l’état général et du pronostic.

Ainsi, dans certaines situations, la priorité ne sera pas la restauration fonctionnelle complète, mais la suppression de la douleur, la prévention infectieuse ou le maintien d’un confort masticatoire minimal.
Ce « juste soin » suppose une évaluation clinique globale, intégrant les contraintes médicales, psychiques et sociales, mais aussi la possibilité d’assurer un suivi réaliste (hygiène quotidienne, contrôle, ajustement des prothèses…).

La mise en œuvre de ce principe repose sur une concertation interdisciplinaire : le dentiste ne décide pas seul, mais en dialogue avec le médecin coordinateur, le personnel infirmier, la famille et, si possible, le résident lui-même.
Dans le cadre de la télé-expertise, le « juste soin » consiste aussi à guider le personnel sur la conduite à tenir (surveillance, soins palliatifs, soins différés ou prioritaires) en tenant compte du contexte global.

Le « juste soin », en odontologie gériatrique, n’est pas un soin minimaliste : c’est un soin ajusté, raisonné et humaniste, où la qualité de vie prévaut sur la seule correction des lésions.

Par |2025-10-25T10:12:59+02:0025 octobre 2025|Catégories : Instruments d'examen|

La télédentisterie facilite l’accès aux soins bucco-dentaires des personnes âgées

La téléconsultation bucco-dentaire est une pratique de télémédecine spécifique à la dentisterie, permettant à un professionnel de la santé bucco-dentaire de consulter, diagnostiquer et conseiller à distance un patient qui en fait la demande. La téléexpertise bucco-dentaire, met en relation des professionnels de la santé sur des cas cliniques complexes ou spécifiques, grâce à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Dans notre cadre spécifique de santé bucco-dentaire des personnes dépendantes en institutions ou à domicile, c’est bien le personnel de soins local (médecin, infirmier, professionnels de la revalidation etc…) qui fera la demande de téléconsultation, ou plus exactement de téléexpertise bucco-dentaire auprès d’un professionnel de la dentisterie, qui lui-même pourrait demander l’avis d’un autre professionnel médical spécialisé.

La téléconsultation s’intègre naturellement dans le parcours de soins en tant que prise en charge thérapeutique et implique une interaction directe avec le patient. Elle se distingue ainsi de la téléexpertise, qui consiste en un échange différé entre deux professionnels de santé pour obtenir un avis expert.

En institutions, deux situations bien distinctes semblent être adaptées à la téléexpertise :

  • l’examen bucco-dentaire lors de l’admission d’un nouveau résident :
  • l’examen bucco-dentaire qui accompagne la description d’une plainte bucco-dentaire d’un résident.

Lors de l’examen médical global d’admission, l’état bucco-dentaire d’un nouveau résident peut nécessiter l’avis expert d’un dentiste pour plusieurs raisons : constater la nécessité d’une prise en charge dentaire ou prothétique, orienter vers un protocole d’hygiène bucco-dentaire spécifique (de plus en plus de résidents en maisons de retraite ont des prothèses complexes avec des systèmes d’ancrage sur implants), déterminer la capacité masticatoire du résident et définir les textures alimentaires adaptées, etc. L’avis expert, la recommandation ou la préconisation du dentiste sont particulièrement pertinents dans le cas de douleur – gêne – plainte bucco-dentaire. Dans ces deux cas, l’examen bucco-dentaire étant visuel et effectué par des non professionnels de la dentisterie, une documentation comme l’inclusion d’une grille d’évaluation ou des photographies cliniques, pourra enrichir les données consignées.

La plupart des grilles d’évaluation comportent des items pertinents (mastication, douleur, inflammation gingivale, dents ou prothèses endommagées), mais certains sont difficiles à évaluer sans un apprentissage préalable. De plus, le personnel soignant accorde souvent une faible priorité à la santé bucco-dentaire, et divers facteurs – manque de temps, sensibilisation et formation insuffisantes, comportement non coopératif des patients – compliquent l’évaluation correcte selon les exigences des grilles. Même la section bucco-dentaire actuelle du BelRAI (version adoptée en Belgique et principalement utilisée en Région flamande) présente des lacunes importantes en termes de validité et de fiabilité d’après l’étude complète du Dr Stefanie Krausch-Hofmann. Elle propose des aménagements du BelRAI, notamment l’utilisation de photographies et de formations spécifiques, qui améliorent de manière très significative la précision des évaluations par le personnel de soins.

Le concept des grilles d’évaluation, s’il est bien conçu et correctement mis en œuvre, peut offrir de nombreux avantages en termes de standardisation, objectivité et efficacité. Mais la finalité d’une grille d’évaluation est bien plus importante que le choix du type de grille ou des items qui la composent. Personnellement je prône pour une approche équilibrée, combinant grille d’évaluation et jugement professionnel, qui peut souvent offrir les meilleurs résultats en atténuant la rigidité de la grille par la prise en compte des particularités individuelles et des contextes spécifiques. Je pense que la formation des personnels de soins en matière de santé bucco-dentaire dans les institutions doit emprunter 2 chemins : L’apprentissage des bonnes pratiques d’hygiène buccale et prothétique et l’enseignement clinique d’un examen bucco-dentaire visuel documenté.

La qualité de la documentation de l’examen bucco-dentaire (photographies cliniques standardisées) prend une tout autre importance à l’ère de la télémédecine où applications et logiciels de communication sont sécurisés pour protéger la confidentialité des données des patients.

Le 1er juillet 2024, en Belgique*, l’Assurance maladie a définitivement validé « l’avis téléphonique » du dentiste (en remplacement de la nomenclature provisoire héritée du Covid). C’est un avis certes limité dans la quantité (20 par mois) mais ouvert à toute la patientèle des dentistes. J’appelle ici mes consœurs et confrères à réserver quelques-uns de ces avis d’expert à une collaboration interprofessionnelle avec le personnel de soins des maisons de repos ou d’établissements accueillant des personnes en situation de handicap.

L’amélioration de l’évaluation bucco-dentaire par la téléexpertise bucco-dentaire peut conduire à une meilleure prise en charge des personnes dépendantes, avec des implications positives pour leur santé générale et leur qualité de vie.

Dr Simon Benoliel, DMD Paris VII-1987. Directeur fsbd

*En France, vient d’être signé l’avenant 1 à la convention dentaire, où entre autres : le texte permet désormais aux dentistes de « pratiquer la télé-expertise bucco-dentaire, pour favoriser le soin des personnes éloignées du système de soins ou présentant des suspicions de pathologies dentaires graves ou rares », indique l’Assurance maladie dans un communiqué. En pratique, les dentistes pourront procéder à des télé-expertises (donner un avis à distance) dans deux cas spécifiques. Ils pourront répondre à des demandes d’établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad) et d’établissements accueillant des personnes en situation de handicap mais également solliciter l’avis d’un confrère en cas de suspicion de cancer oral ou de maladies rares.

Par |2025-04-14T09:07:23+02:0022 juillet 2024|Catégories : Instruments d'examen|

Comment décrire la plainte bucco-dentaire du résident ?

Comment décrire la plainte bucco-dentaire du résident ?

Une description qui offre une vue d’ensemble des douleurs buccales, peut intégrer les aspects comportementaux, physiques et émotionnels, particulièrement pertinents pour un patient âgé avec des troubles cognitifs. Cette description de la plainte d’un patient utilise des symptômes observés et rapportés par le patient, par la famille ou par le personnel de soins qui l’entoure. Je vous propose ici, de vous aider des expressions les plus fréquemment utilisés, et qui répondent aux principales situations rencontrées.

  1. Comment décrire la plainte bucco-dentaire du résident ?

    Une description qui offre une vue d’ensemble des douleurs buccales, peut intégrer les aspects comportementaux, physiques et émotionnels, particulièrement pertinents pour un patient âgé avec des troubles cognitifs. Cette description de la plante d’un patient utilise des symptômes observés et rapportés par le patient, par la famille ou par le personnel. Je vous propose de vous aider de ce petit guide, et de copier-coller les libellés qui répondent aux principales situations rencontrées.

    1- Plaintes exprimées – Vocalisations – Expressions faciales :

    • le patient exprime une “douleur“, “élancement“, ou “sensibilité“, pour décrire sa douleur.
    • le patient exprime une « sensation de brûlure », « goût métallique », « bouche sèche » pour décrire son inconfort buccal.
    • Gémissements ou plaintes auditives en touchant la zone affectée ou lors du repas.
    • Grimaces lors de la mastication ou de la déglutition.
    • Toucher répétitif du visage
    • Léchage fréquent des lèvres

    2- Observations cliniques :

    Extra-orales

    • Enflure de la joue.
    • Difficulté à ouvrir la bouche ou limitation de l’ouverture de la bouche
    • Lèvres d’apparence sèches, avec fissures dans les coins de la bouche.
    • Mauvaise haleine persistante
    • Fièvre, Fatigue et malaise général

    Intra-orales

    • Résistance ou refus du brossage dentaire.
    • Dent cassée ou mobile ou sensible au toucher
    • Zones de rougeur ou de gonflement localement autour d’une dent affectée.
    • Gencives rouges, enflées, et qui saignent particulièrement lors du brossage.
    • Gencives rouges, enflées, et qui saignent de manière spontanée.
    • Difficulté à porter des prothèses à cause de la douleur qu’elles provoquent lors de la mastication
    • Difficulté à porter des prothèses à cause de leur instabilité lors de la mastication ou de la parole

     

    3- Changements dans les habitudes alimentaires :

    • Le patient mange moins
    • refuse de manger, surtout des aliments durs ou chauds.
    • Préférence pour les aliments mous
    • Besoin de boire de l’eau pour avaler les aliments.
    • Perte de poids

    4- Comportement social et humeur :

    • Isolement : Le patient peut éviter les interactions sociales en raison de la douleur, la gêne causée par la mauvaise haleine ou l’apparence des dents.
    • Irritabilité et anxiété : Signes d’irritabilité et d’anxiété accrue, souvent en lien avec l’inconfort.

Dr Benoliel Simon, DMD Paris VII, 1987. Fondateur de fsbd.org

Par |2025-04-06T19:01:42+02:006 juin 2024|Catégories : Procédure|

La place de la santé bucco-dentaire dans les nouvelles normes applicables aux maisons de repos – MRS en 2025

Les récentes modifications des normes applicables aux maisons de repos et de soins, en particulier celles relatives à l’alimentation et à l’incontinence, semblent répondre directement au scandale Orpéa qui a bouleversé l’opinion publique il y a deux ans. Le texte de loi publié en février 2024 accorde une attention particulière à la santé bucco-dentaire des résidents des maisons de repos et de soins, reconnaissant ainsi son importance pour l’amélioration de la qualité de vie de nos aînés.

Le « scandale Orpéa » a éclaté en janvier 2022, impliquant l’une des plus grandes entreprises mondiales de gestion de maisons de retraite et de cliniques. Ce scandale a été révélé par le livre « Les Fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet, qui mettait en lumière les mauvais traitements des résidents, des pratiques financières douteuses et une pression excessive sur le personnel de soins. Bien que principalement français, ce scandale a eu des répercussions significatives en Belgique, où Orpéa est également un acteur important dans le secteur des maisons de repos et des soins de santé pour les personnes âgées. Cette affaire a entraîné une prise de conscience accrue des conditions de vie dans les maisons de repos, soulignant la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une régulation stricte pour garantir le bien-être des résidents. En Belgique, la compétence des maisons de repos est régionalisée. Le 14 décembre 2023, un Arrêté du Gouvernement wallon modifiait l’annexe 120 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé, notamment les normes relatives à l’alimentation et à l’incontinence en MR-S (comme une réponse à l’inacceptable rationnement de « biscuits et de couches » supposé avoir été instauré dans certaines maisons d’après ce même livre)

La santé bucco-dentaire est longtemps restée et reste encore le parent pauvre des soins en institutions. Même si le personnel de soins est sensibilisé à son importance, ce soin demeure le plus simple à négliger en cas de manque ponctuel de temps ou de personnel. Jusqu’à ces récentes modifications réglementaires, le statut de la santé bucco-dentaire en maisons de repos et de soins était flou, laissé à la discrétion des différentes interprétations de « la mise en place de politiques en matière de soins bucco-dentaires ». Le nouveau texte de loi est bien plus explicite, passant de vagues « politiques » à une « procédure » spécifique dont les actions doivent être suivies pour être en conformité. Dès février 2025, le dossier de soins du résident devra inclure une « procédure pour le suivi de l’état bucco-dentaire du résident qui contient un examen visuel de l’état bucco-dentaire du résident lors d’une plainte de celui-ci, la périodicité de cet examen et son enregistrement dans le dossier individuel de soins ».

Il faut saluer l’initiative de l’Agence Wallonne pour une Vie de Qualité (Aviq), qui a organisé dès le 29 février dernier un webinaire explicatif sur la modification des normes, réunissant plus de 400 participants (directions administratives et médicales de maisons de repos) préoccupés par les moyens humains et financiers nécessaires pour se conformer à cette nouvelle réglementation. Quelques questions sur la procédure à mettre en place pour la santé bucco-dentaire sont cependant restées sans réponses claires.

Je veux ici, en toute humilité, apporter mon éclairage de dentiste qui dédie son exercice exclusivement aux personnes âgées en institutions, en France depuis 10 ans, et en Belgique depuis 5 ans, où j’ai eu la chance d’examiner plus de 6 000 patients en Wallonie et en Région bruxelloise, et d’y former près de 1 200 membres du personnel de soins dans une centaine de MRS. Peu de dentistes (mais il y en a) se déplacent « au chevet » du résident à mobilité réduite, et peu de résidents (mais il y en a) se présentent à la clinique dentaire accessible aux fauteuils roulants. Chacun comprendra que le suivi de l’état bucco-dentaire du résident préconisé par la nouvelle réglementation, ne sera pas assuré par des dentistes (ni par le peu d’hygiénistes bucco-dentaires disponibles en Belgique) mais certainement par du personnel de soins de l’institution, rajoutant une charge supplémentaire à leurs nombreuses responsabilités déjà assumées. De toute évidence, il faudra  former un certain nombre de personnel soignant (à mon avis 2 à 4 personnes selon la taille de la MRS) notamment à l’examen bucco-dentaire visuel, à sa documentation et son enregistrement dans le dossier individuel de soins du résident. Mettre en place une procédure pour le suivi de l’état bucco-dentaire indique une méthode organisée, systématique et reproductible, qui devra également être « acceptée » par les autorités à défaut d’être reconnue par la communauté scientifique comme « evidence based ». Il est nécessaire de former le personnel soignant à l’utilisation de procédures d’enregistrement précises et reproductibles, qu’elles soient existantes (telles que les grilles OAG, GOSO ou BelRai) ou plus innovantes, en mettant l’accent sur leur rapidité d’exécution. Car avant de remplir un formulaire ou une grille, il faut avoir pris le temps d’examiner la cavité buccale !

Si l’on reprend le texte de loi, l’examen visuel semble bien être l’élément fondamental de la procédure ; il est obligatoire en cas de plainte, il peut être récurrent puisque l’on parle de périodicité, et il est tout aussi pertinent pour constater un état bucco-dentaire et le suivre dans le temps. Je veux confirmer ici, qu’avec une formation adéquate, les personnels de soins des maisons de repos pourront tout à fait réaliser des examens visuels de base pour surveiller l’hygiène bucco-dentaire des résidents et identifier des signes visibles de pathologies orales qui nécessitent une orientation vers un professionnel de la santé bucco-dentaire. La qualité de l’examen visuel dépend de l’expérience et de la formation du personnel de soins, ainsi que de sa capacité à utiliser les instruments d’examen disponibles et à interpréter les signes cliniques observés. Actuellement, les outils d’examen et d’enregistrement de l’état bucco-dentaire dont disposent la plupart des maisons de repos sont relativement limités. En général, l’examen visuel se fait à l’aide d’abaisse-langues à usage unique et de l’éclairage naturel ambiant du lieu d’examen. Pour l’enregistrement, des grilles d’évaluation, telles que l’Oral Assessment Guide (OAG), sont utilisées depuis plus de 40 ans. Il existe de nombreuses versions de ces grilles, mais aucune ne fait l’unanimité. Ces grilles complexes exigent de l’examinateur qu’il attribue une note de 0, 1 ou 2 à divers items comme la voix, les lèvres, les dents, les gencives ou la salive, en fonction de la gravité de l’état observé. Même la grille simplifiée BelRai, adoptée en Région flamande, qui propose seulement six cases à remplir par un oui ou un non est décriée par de nombreux professionnels. Il est impératif que ces outils d’examen et d’enregistrement évoluent pour répondre aux besoins croissants et spécifiques de la population âgée en maisons de repos.

L’examen visuel de l’état bucco-dentaire d’une personne est un instant éphémère qui reflète un état spécifique à un moment donné. Le moyen le plus simple de capturer cet état est d’en prendre une photo ! Une documentation photographique de l’examen visuel de l’état bucco-dentaire des résidents offrirait une image « analysable » tout comme une radiographie panoramique, permet au dentiste d’appréhender l’état général de la denture d’un patient. La qualité des photographies intra-buccales prises avec un smartphone est amplement suffisante pour évaluer l’état bucco-dentaire, visualiser une difficulté masticatoire, ou détecter des carences en matière d’hygiène bucco-dentaire. Cette documentation photographique constitue aussi un complément essentiel pour améliorer la communication avec le dentiste, en particulier lors d’une plainte du résident.

Cette approche simple et peu coûteuse, qui ne nécessite qu’un équipement de base pour réaliser des photos intra-buccales, permettrait d’atteindre les objectifs d’un examen visuel réalisé par le personnel de soins des maisons de repos (MR-S). La formation d’un personnel motivé, devra être davantage orientée vers la réalisation de photos intra-buccales précises, exploitables et reproductibles, plutôt que de se concentrer sur le remplissage de cases dans une grille destinée à déterminer un score, après avoir pseudo-analysé des situations bucco-dentaires hypothétiques.

La lecture des images récoltées pourra alors se faire en concertation interne entre les soignants de l’institution ou avec l’avis de dentistes. La même simplicité doit accompagner le personnel de soins dans l’enregistrement de l’examen visuel de l’état bucco-dentaire dans le dossier individuel de soins du résident, garantissant ainsi une traçabilité des soins et un suivi rigoureux de l’état de santé bucco-dentaire du résident. En réalisant ces « examens photographiques », le personnel de soins leur confère une dimension thérapeutique, similaire à l’envoi d’une prise de sang au laboratoire, en attendant l’analyse des photos intraorales pour déclencher un acte thérapeutique ou apporter des modifications dans la vie quotidienne (alimentation, hygiène, etc.). Ceci devrait augmenter la motivation à réaliser de bons examens.

Il faut saisir l’opportunité offerte par ce texte de loi novateur dans le domaine de la santé bucco-dentaire des aînés en maisons de repos pour y répondre de manière sérieuse et optimale, dans le seul but d’améliorer la qualité de vie des résidents.

Dr Benoliel Simon, DDM Paris VII, 1987. Fondateur de fsbd.org

Les formations élaborées par Fsbd.org, spécifiques à la santé bucco-dentaire des personnes âgées en maisons de repos, constituent un programme d’accompagnement du personnel de soins dans le maintien de la santé orale des aînés, par le suivi de leur état bucco-dentaire ou de leurs plaintes et par l’application et l’évaluation des bonnes pratiques d’hygiène bucco-dentaire enseignées. Pour ses formations théoriques et pratiques, Fsbd.org utilise un contenu original, fondé sur la pratique clinique de ses dentistes, et mis à jour par les études et conférences de consensus. Pour ses formations cliniques, Fsbd.org utilise ses propres outils d’examen, adaptés à la morphologie buccale et à l’état physique des personnes âgées, ainsi qu’aux contraintes de temps et au niveau d’expérience du personnel de soins.

Par |2025-04-14T08:58:47+02:0026 mai 2024|Catégories : Examen visuel|

La téléconsultation bucco-dentaire en maison de repos

La télémédecine bucco-dentaire en maisons de repos et de soins : quels instruments d’examen bucco-dentaire pour le personnel de soins ?

Le grand public a découvert la télémédecine ou la consultation à distance, à travers la crise sanitaire qu’a engendré le covid-19. Au début de la pandémie en mars 2020, les dentistes étaient autorisés à traiter uniquement les urgences dentaires afin de limiter la propagation du virus et de préserver les équipements de protection individuelle (EPI) qui étaient en pénurie à ce moment-là. Les dentistes ont été encouragés à trier les patients par téléphone et à n’accepter en consultation que ceux nécessitant une intervention immédiate. l’INAMI avait même créé un code qui permettait au dentiste d’attester une « consultation téléphonique » tarifée et donc remboursée à hauteur de 20 euros. Des statistiques qu’il est possible de consulter dans différentes publications, il ressort que plus de la moitié des appels en urgences dentaires ont été traités « à distance » grâce à des recommandations ou à des prescriptions médicamenteuses.

De l’avenir prometteur de la télémédecine bucco-dentaire, il ne reste aujourd’hui en 2024 que l’essence même de son concept : améliorer l’accès aux soins pour les populations rurales, les personnes âgées, et les patients à mobilité réduite. Crise ou pas crise, les consultations à distance permettent une première évaluation rapide, le triage des patients, la gestion des soins urgents et l’organisation des soins. Cela aide à réduire la surcharge des cabinets dentaires et à optimiser les rendez-vous pour les interventions qui le nécessitent vraiment. La télémédecine facilite un suivi continu et réactif, permettant de surveiller l’évolution des conditions bucco-dentaires et de réagir rapidement en cas de complications.

La télémédecine bucco-dentaire en maisons de retraite présente bien de nombreux avantages. Cependant, la présence d’une troisième personne entre le dentiste et le patient âgé est souvent indispensable pour garantir le succès d’une téléconsultation. En formant correctement le personnel soignant et en intégrant la télémédecine dans les pratiques courantes, les maisons de retraite peuvent significativement améliorer la santé bucco-dentaire de leurs résidents. Les formations du personnel de soins en maisons de repos doivent contenir les notions de base d’un examen oral, compris la manipulation des instruments nécessaires à sa bonne tenue.

Les formations du personnel de soins en maisons de repos doivent contenir les notions de base d’un examen oral, compris la manipulation des instruments nécessaires à sa bonne tenue.

1: l’Odontoscope. 2 : le stylo-lampe avec son embout. 3 : le support à prothèse. 4 : l’emballage spécifique de l’Odontoscope. 5 : l’abaisse-langue en bois ou en plastique.

L’objectif de l’examen oral réalisé par un personnel formé diffère de celui du dentiste, car il n’est pas diagnostique. Toutefois, comme dans un cabinet dentaire, il est essentiel d’assurer un éclairage optimal de la cavité buccale pour une meilleure visualisation. L’utilisation d’une lampe frontale ou d’un stylo lampe médical est précieuse. L’odontoscope, un dispositif combinant un miroir large et un écarteur de lèvres et de joues, permet une observation complète des arcades dentaires, facilitant ainsi l’examen et offrant une vue d’ensemble de l’arcade dentaire. En complément, l’utilisation d’abaisse-langue à usage unique peut être utile pour observer les muqueuses à l’intérieur des joues ou sous la langue. Toutes ces observations peuvent être documentées par une photographie prise avec un simple smartphone et envoyées au dentiste pour améliorer sa capacité à diagnostiquer les problèmes dentaires à distance.

La télémédecine bucco-dentaire est particulièrement précieuse dans ce contexte de maisons de retraite. La clé du succès réside dans l’intégration harmonieuse de ces technologies dans les pratiques existantes, en garantissant que les normes de soins et de confidentialité des patients sont maintenues.

Dr Benoliel Simon, DDM Paris VII, 1987. Fondateur de fsbd.org

Les formations élaborées par Fsbd.org, spécifiques à la santé bucco-dentaire des personnes âgées en maisons de repos, constituent un programme d’accompagnement du personnel de soins dans le maintien de la santé orale des aînés, par le suivi de leur état bucco-dentaire ou de leurs plaintes et par l’application et l’évaluation des bonnes pratiques d’hygiène bucco-dentaire enseignées. Pour ses formations théoriques et pratiques, Fsbd.org utilise un contenu original, fondé sur la pratique clinique de ses dentistes, et mis à jour par les études et conférences de consensus. Pour ses formations cliniques, Fsbd.org utilise ses propres outils d’examen, adaptés à la morphologie buccale et à l’état physique des personnes âgées, ainsi qu’aux contraintes de temps et au niveau d’expérience du personnel de soins.

Par |2025-04-23T17:51:49+02:005 mai 2020|Catégories : Instruments d'examen|
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